Première publication dans Texte, revue de critique et de théorie littéraire, no 45/46, 2009, pp. 153-168.

 

Le développement sans précédent des échanges internationaux a contribué, dans les dernières décennies, à amorcer une remise en question des frontières entre les approches de l’histoire culturelle et littéraire. On peut réagir en cherchant à défendre ces cloisonnements, mais ce serait myope et stérile : l’histoire de la science montre que la plupart des divisions entre les objets, les disciplines, les « écoles » ne sont pas fondées sur des raisons scientifiques, mais sur des facteurs historiques et sociaux1. Elle montre, en outre, que l’innovation est souvent le fait des positions en porte-à-faux entre traditions théoriques et disciplinaires différentes, du fait que ces positions favorisent des attitudes critiques et euristiques2. Elles favorisent, notamment, le travail d’intégration des acquis qui constitue sans doute le principal ressort du progrès cognitif : la plupart des propositions théoriques qui ont fait date étaient des systématisations permettant de dépasser les contradictions ou les impasses des théories précédentes3. Le dialogue rationnel entre les chercheurs n’implique pas une moindre liberté quant aux choix d’objet et aux démarches. Au contraire, la division spontanée du travail, résultant de la différenciation des intérêts et des parcours intellectuels, constitue une des conditions de possibilité de l’avancée des connaissances.

Mais toute recherche risque de rester enfermée dans la singularité du cas particulier ou de la théorisation ad hoc, dont on ne saurait apprécier la valeur générale, si elle ne parvient à instaurer avec les autres recherches en cours un rapport de contrôle croisé et d’échange, fondé sur des présupposés épistémologiques partagés. Cette exigence est ressentie aujourd’hui avec une force particulière dans le domaine de la littérature comparée, du fait que le rapide élargissement de son champ d’investigation à l’échelle planétaire y a fait ressortir la disparate des configurations à étudier et la faiblesse théorique des démarches utilisées. Nombre de comparatistes éminents ont entrepris une interrogation radicale, allant parfois jusqu’à remettre en question tous les attendus de leur discipline4. « Today, comparative literature in one sense is dead5 », déclarait il y a quinze ans Susann Bassnett, en posant la nécessité de redéfinir les objets et les approches de la littérature comparée.

 Les conditions d’un comparatisme réflexif

Cette crise est à première vue paradoxale, vu que la hausse de la demande institutionnelle favorise l’implantation des études comparatives jusque dans les pays et les disciplines où elles n’étaient quasiment pas représentées. En fait, le regard post-colonial a fait émerger les principales limites idéologiques et théoriques des démarches traditionnelles6. Dans Death of a Discipline, Gayatri Chakravorty Spivak inclut dans son bilan négatif la plupart des tentatives de renouvellement proposées dans le monde anglophone, car elle met en cause aussi bien la politisation à laquelle ont souvent abouti les Cultural Studies, que le « distant reading » prôné par Franco Moretti7, tout en reconnaissant les impasses des recherches identitaires qu’ont entrepris les Postcolonial Studies et les Transnational Studies,dont elle est par ailleurs l’une des figures marquantes8. Bien des auteurs sont allés jusqu’à rejeter le recours à la notion de « comparaison », les uns la considérant comme inextricablement associée à une vision nationaliste et impérialiste9, les autres comme un instrument qui ne serait pas adapté à des objets empiriques « historiquement situés et constitués de multiples dimensions, imbriquées les unes dans les autres10 ».

En fait, ce qu’il faut mettre en cause, ce n’est pas la comparaison, mais la manière dont on la conçoit et on la pratique, lorsqu’on la ramène à une opposition terme à terme, en oubliant que les objets de la comparaison ne sont pas des essences, mais des processus. La comparaison est un mouvement constitutif de toute opération de connaissance, et la réflexivité dans n’importe quelle recherche implique de fait une perspective comparative, ainsi que le rappelait Durkheim : « La sociologie comparée n’est pas une branche particulière de la sociologie; c’est la sociologie même, en tant qu’elle cesse d’être purement descriptive et aspire à rendre compte des faits11. ». Toute tentative de modélisation théorique risque d’universaliser un cas particulier, si elle ne met à l’épreuve la généralité de ses hypothèses, en les appliquant à des objets différents. Les erreurs que l’on reproche au comparatisme peuvent être ramenées à une attitude de positivisme naïf, qui ne s’interroge pas sur les conditions de possibilité de la connaissance concernant les objets historiques et sociaux. La croyance dans la transparence des « faits » expose aux fausses évidences que véhiculent les prénotions du discours ordinaire et à l’erreur objectiviste, consistant à ne pas tenir compte de ce que le rapport à l’objet doit à la position et aux schèmes de perception et de classement de l’observateur. Les déboires de la posture positiviste sont plus évidents lorsqu’on travaille à une grande échelle et l’on rapproche des phénomènes relevant de processus historiques très différents, alors que la description d’un objet temporellement et spatialement très circonscrit peut plus facilement passer pour une analyse rigoureuse et exhaustive, même si ce type de recherche n’en est pas moins exposé aux inconvénients d’une démarche ne questionnant pas suffisamment ses attendus12.

La réflexion qu’a entamé à ce propos, il y a quarante ans, Le Métier de sociologue constitue un apport précieux, en ce que ce livre a entrepris justement d’expliciter les préalables que les différentes démarches doivent partager et respecter si elles veulent rendre possibles la comparaison et le cumul des acquis. S’inscrivant dans le prolongement de la philosophie et de l’histoire des sciences issues de la tradition néo-kantienne, cet ouvrage rappelle, contre l’illusion du savoir immédiat, le primat épistémologique de la « raison » (la théorie) : « […] les opérations de la pratique valent ce que vaut la théorie qui les fonde » car « seule une théorie scientifique peut opposer aux sollicitations de la sociologie spontanée et aux fausses systématisations de l’idéologie, la résistance organisée d’un corps systématique de concepts et de relations défini autant par la cohérence de ce qu’il exclut que par la cohérence de ce qu’il établit13. ». Une théorie scientifique se distingue du bricolage – qui procède de l’induction et propose un « modèle » ad hoc, voire plusieurs « modèles », pour chaque phénomène – par son pouvoir de rupture et de généralisation ainsi que par la rigueur du processus de validation, exigeant des concaténations de preuves. Ainsi Le Métier de sociologue souligne la dimension constructiviste de tout acte de connaissance, en posant le principe suivant lequel « le fait scientifique est conquis, construit, constaté14. ».

Le langage, du fait qu’il est le principal vecteur des catégories structurant la perception, a le pouvoir de contribuer activement à façonner le monde social, en produisant des représentations collectivement reconnues. La rupture avec les prénotions est, d’abord, rupture avec des habitudes de langage. Il s’ensuit que l’analyse du langage et le travail d’historicisation, qui reconstitue la genèse, les usages et les enjeux sociaux des catégories – aussi bien les catégories des enquêtés que celles des enquêteurs – sont parmi les préalables les plus indispensables à toute entreprise de recherche.

Ce n’est pas un hasard si des chercheurs qui s’inspirent de ces principes épistémologiques peuvent aujourd’hui dialoguer fructueusement avec les représentants des groupes divers qui ont contribué à l’essor de l’histoire sociale des concepts, notamment la Begriffsgeschichte15, l’ « École de Cambridge16 », la « New Sociology of Ideas » dont se réclament Charles Camic et Neil Gross17. L’historicisation des concepts apparaît en effet comme le principal recours contre la naturalisation des schèmes de perception produits par l’histoire : les confins géopolitiques, disciplinaires, culturels ; les critères adoptés dans les périodisations ; des concepts généraux tels que « littérature », « culture », « civilisation », « nation », « région » ; les concepts de l’histoire littéraire et artistique : « classicisme », « baroque », « romantisme », « avant-garde », « modernité » ; les classements par genres : « épopée », « poésie », « drame », « roman18 », etc.

Du fait qu’elle appréhende chaque configuration comme le résultat d’un processus, la vision constructiviste amène à refuser comme fausse l’alternative de la diachronie et de la synchronie et à poser l’exigence de ne pas séparer l’analyse structurale et la reconstitution historique. Ainsi que l’indique la notion de trajectoire, la théorie des champs implique une approche génétique de toute réalité sociale. Il s’ensuit que des recherches sociologiques sur les structures de la temporalité19 peuvent s’avérer très proches des analyses proposées par Reinhart Koselleck dans Futur passé, montrant que la transition, à partir de la seconde moitié du xviiie siècle, d’une conception de l’histoire comme pluralité de séries et de récits (Geschichten)àla notion d’un processus unique (Geschichte), va de pair avec la découverte de la « non contemporanéité du simultané », c’est-à-dire, en empruntant une expression de François Hartog qui désigne le même phénomène, des décalages entre les « régimes d’historicité20 ». Par ailleurs, si l’histoire des concepts apporte une contribution précieuse, en retraçant la diversité des « temps historiques » et des visages de la « modernité » ou du « progrès », elle ne saurait expliquer ces variations, qui ne sont pas anarchiques, sans prendre en compte de manière méthodique des facteurs tels que les configurations des champs du pouvoir, les rapports de force et de concurrence entre les marchés, la différenciation des champs de production, des formes de capital et des enjeux, les positions et les trajectoires des individus et des groupes.

Mobilité et changement

Il n’est peut-être pas vain d’espérer que l’internationalisation de la recherche puisse, sous certaines conditions, favoriser le dialogue rationnel entre ceux qui en reconnaissent l’exigence. En effet, si des divergences importantes subsistent, il est possible toutefois de décerner des processus d’échange et d’intégration en acte, concernant aussi bien la problématique que les hypothèses.

Les Cultural Studies ont indéniablement fonctionné comme une « théorie frontière » qui, par sa diffusion et par son flou, a favorisé le brassage des savoirs et des références, produisant « un renouvellement des objets et des questionnements en matière d’analyse des pratiques culturelles21 », ainsi qu’un décloisonnement des disciplines. Comme le remarque Stéphane Van Damme, « en proposant de déplacer l’interrogation de la description monographique de sites singuliers, de situations locales, pour analyser les circulations culturelles d’objets, de savoirs, de métaphores, de groupes, d’identités, les Cultural Studies ont aussi contribué à faire émerger le “paradigme de la mobilité” qui semble aujourd’hui traverser l’ensemble des sciences sociales22 ».

Pour ce qui concerne l’étude de la littérature, les fondateurs des Cultural Studies ont eu le mérite de rappeler que la « haute » culture a toujours dû quelque chose à la culture de masse et à ses logiques, contre lesquelles elle se définissait, alors que bien des recherches littéraires tendent à ne prendre en considération que les œuvres « haut de gamme23 ». Les études postcoloniales ont contribué à faire émerger les processus de transformation qu’engendre toujours la circulation des idées, des formes, des individus. Elles ont souligné, notamment, les liens et les effets d’hybridation qui, par delà les frontières instituées, unissent les traditions culturelles, ainsi que l’essentialisme et le nationalisme que peuvent véhiculer l’histoire littéraire et la littérature comparée, fût-ce à travers un usage insuffisamment surveillé de notions à première vue innocentes, comme celles de réception, diffusion, transfert, import-export, échange. Par là ils ont ouvert la voie aux travaux qui, en reconstituant les origines des nationalismes et les processus de construction des identités nationales, ont remis en cause le cadre national encore prévalent dans les études littéraires24.

Même Les règles de l’art ne dépassaient pas ce cadre, en partie à cause du travail d’abstraction et de simplification requis par une entreprise de fondation théorique. Mais, ainsi que Pierre Bourdieu l’a explicitement posé par la suite, l’espace national doit être pensé dans une perspective mondiale25. Les transferts qu’a subis entre-temps le concept de champ, exporté souvent très loin de sa région d’origine et de ses premiers domaines d’application, ont contribué à favoriser le questionnement, par les difficultés qu’ils ont fait surgir. L’analyse des relations entre les champs et la comparaison de réalités très différentes ─ grandes capitales centralisatrices, traditions polycentriques, nations confédérales, états plurilingues, processus d’autonomisation régionaux, constellations de pays politiquement divisés partageant la même langue ─ a fait ressortir l’exigence de prendre en considération les variations de niveau imposées par les objets (du global au local, des centres aux périphéries, des capitales aux provinces) ainsi que de reconstituer les tensions et les dynamiques engendrées par la diversité des formations sociales, des inscriptions et des positions, outre que par la circulation des idées, des œuvres et des personnes. La production culturelle de la RDA, par exemple, a pu être analysée comme un sous-champ, avec ses spécificités, dont on n’aurait toutefois compris le fonctionnement et la position internationale sans tenir compte de sa situation en porte-à-faux entre deux ensembles plus vastes, les pays soviétiques, d’une part, les pays de langue allemande, notamment la RFA, de l’autre26.

Contrairement à une image superficielle, réduisant la pensée de Bourdieu à une théorie de la reproduction sociale, dans son œuvre « l’analyse de la structure, la statique, et l’analyse du changement, la dynamique, sont indissociables27. ». Ainsi a-t-il élaboré progressivement un ensemble cohérent d’hypothèses concernant ce problème fondamental pour toute analyse historique : les conditions de possibilités des crises et des transformations sociales28. La diversité des intérêts, des habitus et des points de vue engendre sans cesse des intersections, des conflits et/ou des collusions. Les habitus peuvent être plus ou moins accordés avec l’ordre social, plus ou moins susceptibles de s’adapter à un bouleversement de cet ordre29, ou, dans le cas du déplacement des agents (émigration, exil, déportation), à un ordre engendré par un processus historique différent de celui où ils se sont formés30 : l’un des facteurs des crises est le malaise produit par la discordance entre les structures incorporées et les structures objectives. Mais il faut également prendre en considération les transformations « morphologiques » dues à des processus de croissance et de différenciation des producteurs et du marché, aussi bien qu’aux progrès de la scolarisation : l’entrée de nouveaux agents est un facteur fondamental du changement. Il y a, d’autre part, les transformations des rapports de force dans le champ du pouvoir national et international, les rapports d’échange et de concurrence entre les champs, la redéfinition permanente des frontières et des hiérarchies, la création de secteurs nouveaux31.

Structure et interaction

Au niveau des présupposés théoriques – décrits de manière idéal-typique – l’opposition entre les tendances interactionnistes (allant généralement de pair avec l’individualisme méthodologique) et les démarches structuralistes ou holistes constitue un des clivages fondamentaux. En fait il ne s’agit pas d’une division tranchée, mais d’une accentuation plus ou moins nette et explicite. Parmi les positions tournées vers le premier pôle on peut citer l’interactionnisme symbolique32, les approches qui s’inspirent de l’œuvre d’Erving Goffman, les méthodes de network analysis, l’école de Chicago33. La plupart des études qui s’inscrivent dans la mouvance des Cultural Studies ont vu une référence majeure dans l’œuvre de Howard Becker et dans son ouvrage Outsiders34, souvent sans renier, dans leur éclectisme théorique, la référence à Marx et/ou à Gramsci, ni renoncer (surtout aux Etats-Unis, à partir des années 1980) à intégrer des suggestions tirées d’auteurs français, tels que Lyotard, Derrida, Barthes, Foucault, Deleuze et de Certeau35. Ainsi l’interactionnisme prévaut dans des domaines disciplinaires où Goffman, les Cultural Studies et la sémiotique ont exercé beaucoup d’influence, comme la recherche anthropologique et ethnographique et les Science Studies, notamment les Science and Technology Studies et la Actor-Network Theory36.

Les outils de l’analyse des réseaux, opportunément précisés, peuvent être fructueusement combinés avec la notion de champ dans les études d’histoire littéraire. La théorie des champs, plus généralement, permet d’intégrer les acquis des approches interactionnistes, alors que celles-ci ne sauraient par elles-mêmes constituer un modèle général d’explication des faits37. Si la sociologie depuis Marx et Durkheim a remis en question les démarches de ce type, c’est que le monde social n’est pas une création continue : il est déjà là, lorsque les agents y font leur entrée. Ses structures et ses modes de fonctionnement, institués et « objectivés » par toute leur histoire, façonnent les catégories de perception des agents et définissent la possibilité, la probabilité et la forme de leurs interactions. Ainsi, s’il faut tenir compte du « point de vue » du « sujet », on ne saurait l’expliquer sans avoir préalablement appréhendé la structure de l’espace où il est situé, et la position qu’il y occupe. Au contraire, des auteurs comme Homi Bhabha et Arjun Appadurai, se réclamant de labels éloquents (e.g. « Connected History », « Shared History », « Entangled History »), dans leur souci de réhabilitation des cultures dominées vont jusqu’à rejeter l’analyse des formes d’inégalité culturelle, sous prétexte qu’elle contribuerait à renforcer, voire à produire les divisions38. Mais, d’une part, la célébration des vertus fécondantes du métissage ne permet d’expliquer ni comment et à quelles conditions il devient possible, ni les formes qu’il prend ; de l’autre, il ne suffit pas d’ignorer les rapports de force pour les abolir. Au contraire, la méconnaissance des rapports de domination inscrits dans l’ordre culturel est justement une des conditions qui permettent à cette domination de s’exercer, ainsi que l’a montré Edward Saïd dans Orientalism39.

Ainsi, s’il est vrai que toutes les frontières sont des produits de l’histoire, susceptibles d’être sans cesse remis en question par les luttes dont ils sont l’enjeu, l’on ne saurait négliger de reconstituer l’état de ces luttes et les effets que les frontières, plus ou moins instituées, exercent sur la réalité, et d’abord dans les têtes. Ce n’est qu’en objectivant la complexité des facteurs et des dynamiques caractérisant chaque configuration qu’il devient possible de dépasser les affrontements aussi stériles qu’aveuglants entres prophéties indémontrables, optimistes ou apocalyptiques, sur les effets de la mondialisation à l’échelle du « local » : universalisme/particularisme, diversification/homogénéisation, autonomie/hétéronomie, libération/domination40.

La spécificité du littéraire

La théorie des champs est plus proche d’autres démarches, partageant une vision structurale agonistique des rapports sociaux41. Mais, par rapport à l’ensemble de ces approches, Bourdieu a élaboré des outils analytiques permettant de mieux saisir la complexité de la réalité empirique et la diversification des pratiques. En effet, les propriétés des pratiques culturelles et des œuvres ne sauraient être expliquées en les ramenant directement aux rapports de force économiques et politiques, ni à la vision du monde ou aux intérêts d’une classe ou d’un groupe, ainsi que le faisait la tradition marxiste incarnée par György Lukács, Lucien Goldmann, Frédéric Antal, Theodor Adorno. Le recours à la notion de « système » n’est pas non plus satisfaisant, s’il revient à traiter l’ « espace des possibles » comme un organisme doté d’une cohésion interne et autorégulé, sans prendre en considération de manière méthodique les agents et leurs rapports de concurrence, orchestrés par les différences de position et d’habitus que peut saisir une analyse microsociologique42.

La notion de champ constitue un apport fondamental, du point de vue de la sociocritique, ou, autrement dit, d’une « science des œuvres ». Plus articulée que des notions comme Art World43 et Institution littéraire44, elle permet de rendre compte de la spécificité des faits littéraires, à travers la reconstitution des relations entre l’ « externe » et l’ « interne », à tous les niveaux : l’espace englobant, la structure et le fonctionnement du microcosme littéraire, les propriétés des agents, des institutions et des groupes impliqués, les représentations et les croyances, les possibles esthétiques – supports, genres, styles, procédés, thèmes – les catégorie de perception et d’appréciation et leur genèse. Des travaux consacrés à Apollinaire et à Mallarmé ont montré que les propriétés des œuvres poétiques à première vue les plus autoréférentielles ne sauraient être éclairées sans les mettre en relation avec leurs multiples inscriptions sociales45. Paradoxe apparent, l’annexion des Cultural Studies par les départements américains de littérature a souvent abouti à une « textualisation » qui échoue à rendre compte des choix formels et des lectures, du fait que, à l’encontre des pionniers britanniques, attentifs aux conditions sociales de possibilité des œuvres, ces épigones se réfèrent à des concepts tels que « intertextualité46 » et « épistème47 », excluant en ligne de principe l’attention aux producteurs et au contexte de production.

Toutefois, dans la mesure où la notion de champ s’impose, le risque augmente qu’on la naturalise, en oubliant que les hypothèses théoriques sont des artefacts, liés à la réalité par un rapport d’analogie48. Il suffit de glisser du substantif à la substance pour tomber dans le paralogisme ontologique, qui peut faire accéder à l’existence des choses qui n’existent pas, en produisant des représentations collectivement perçues comme des réalités. On s’expose à ce risque toutes les fois que l’on parle du champ littéraire comme d’une réalité empirique, dont on pourrait dater avec précision le moment de la « genèse » ou de la « constitution49 ». Ou bien lorsqu’on se demande si telle ou telle configuration « est » un champ, alors que, pour éviter les mauvaises constructions d’objets auxquelles peut amener l’ambiguïté lexicale, il suffirait de formuler autrement le problème, en se demandant s’il y a des « effets de champ » justifiant le recours à cette notion. La naturalisation conceptuelle peut, en outre, occulter le fait que les « champs »/marchés divers (linguistiques, culturels, géopolitiques, religieux, économiques) dans lesquels s’inscrivent les agents non seulement sont sans cesse redéfinis par les luttes dont ils sont l’enjeu, mais ne se recoupent pas, s’articulent sur plusieurs niveaux et peuvent, par ailleurs, exercer des effets différents suivant les manières dont ils sont perçus et mis en relation. Ce n’est qu’en demeurant ouverte au questionnement naissant du dialogue avec d’autres démarches et de la transposition dans des domaines toujours nouveaux qu’une théorie peut rester « générative » (selon la définition de Imre Lakatos50), ainsi que l’exige la logique même de la recherche.

Université de Venise


Notes

  1. Voir Wallerstein (Immanuel), The End of the World as We Know It: Social Science for the Twenty-First Century, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1999. Cet ouvrage remet en cause, notamment, la distinction entre l’histoire et les sciences sociales, fondée sur l’idée d’une opposition entre l’étude du passé et l’étude du présent, entre la description idéographique et la recherche de lois. Voir également Stichweh (Rudolf), Zur Entstehung des modernen Systems wissenschaftlicher Disziplinen : Physik in Deutschland 1740-1890, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1984 ; Ibid., « The Sociology of Scientific Disciplines : on the Genesis and Stability of the Disciplinary Structure of Modern Science », Science in Context, vol. 5, 1992, pp. 3-15 ; Lenoir (Timothy), Instituting Science: The Cultural Production of Scientific Disciplines, Stanford University Press, 1997 ; Heilbron (Johan), The Rise of Social Theory, Cambridge, Polity Press, 1995 ; Heilbron (Johan), Magnusson (Lars) et Wittrock (Björn) (dir.), The Rise of the Social Sciences and the Formation of Modernity: Conceptual Change in Context, 1750-1850, Dordrecht/Boston, Kluwer Academic Publishers, 1998 ; Bourdieu (Pierre), Science de la science et réflexivité, Paris, Raisons d’agir, 2001 ; Heilbron (Johan), « A Regime of Disciplines: Toward an Historical Sociology of Disciplinary Knowledge », dans The Dialogical Turn: New Roles for Sociology in the Postdisciplinary Age, sous la direction de Charles Camic et Hans Joas, Chicago, Chicago University Press, 2003.

  2. Dogan (Mattei) et Pahre (Robert), Creative Marginality: Innovation at the Intersection of the Sciences, Boulder (CO), Westview, 1990.

  3. Campbell (Norman Robert), What is Science, London, Methuen, 1921, p. 88 : « Il est tout à fait exceptionnel qu’une nouvelle loi soit découverte ou suggérée par l’expérimentation, l’observation et l’examen des résultats ; la plupart des progrès dans la formulation de lois nouvelles résultent de l’invention de théories capables d’expliquer des lois anciennes », cité dans Bourdieu (Pierre), Chamboredon (Jean-Claude) et Passeron (Jean-Claude), Le Métier de sociologue. Préalables épistémologiques, Paris/la Haye, Mouton éditeur, 1973, p. 87.

  4. Parmi les nombreux bilans de ce genre, on peut citer Espagne (Michel), « Sur les limites du comparatisme en histoire culturelle », Genèses, n° 17, 1994, pp. 112-121 ; Tötösy de Zepetnek (Steven), Comparative Literature and Comparative Cultural Studies, West Lafayette, Purdue University Press, 2003 ; Boldrini (Lucia), « Comparative Literature in the Twenty-First Century : A View from Europe and the UK », Comparative Critical Studies, vol. 3, n° 1-2, 2006, pp. 13-23. 

  5. Bassnett (Susan), Comparative Literature. A Critical Introduction, Oxford, Blackwell, 1993, p. 47.

  6. Voir, par exemple, Balibar (Étienne)et Wallerstein (Immanuel), Race, Nation and Class. Ambiguous Identities, London, Verso, 1991 ; Anderson (Benedict), Imagined Communities. Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, London, Verso, 1983 (édition revue en 1991) ; Cheah (Pheng) et Robbins (Bruce) (dir.), Cosmopolitics. Thinking and Feeling beyond the Nation, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1998. 

  7. Moretti (Franco), Graphs, Maps, Trees, London, Verso, 2005. 

  8. Spivak (Gayatri Chakravorty), Death of a Discipline, New York, Columbia University Press, 2003. Pour une critique des limites du travail de réflexivité critique entrepris par les cultural studies et les études postcoloniales, voir : Landrin (Xavier), « La sémantique historique de la Weltliteratur : genèse conceptuelle et usages disciplinaires », dans L’espace culturel transnational, sous la direction de Anna Boschetti,Paris, Nouveau Monde éditions, 2009.

  9. Voir Lewis (Martin W.) et Wigen (Kären), The Myth of Continents: A Critique of Meta-Geography, Berkeley, University of California Press, 1997. Ainsi les tenants de la « connected History », tout en s’appuyant sur l’analyse d’Anderson (Benedict), The Spectre of Comparison: Nationalism, South East Asia and the World, London, Verso, 1998, lui reprochent de n’avoir pas mis en question la notion même de comparaison. Voir Harotunian (Harry D.), « Ghostly Comparisons: Anderson’s Telescope », Diacritics,vol. XXIX, n° 4, 1999.

  10. Wermer (Michael)et Zimmerman (Bénédicte) (dir.), De la comparaison à l’histoire croisée,Paris, Seuil, coll. « Le genre humain », 2004, p. 17. 

  11. Durkheim (Émile), Les règles de la méthode sociologique, Paris, P.U.F., 2007, p. 137.

  12. On peut trouver une critique des erreurs les plus communes des pratiques comparatives, et des exemples de démarche réflexive, dans Bourdieu (Pierre) et Passeron (Jean-Claude), « La comparabilité des systèmes d’enseignement », dans Éducation, développement et démocratie, sous la direction de Robert Castel et Jean-Claude Passeron, Paris-La Haye, Ed. Mouton, 1967 ; Cahiers du centre de sociologie européenne, n° 4, 1967, pp. 21-58 ; Schulteis (Franz), « Comme par raison − comparaison n'est pas toujours raison. Pour une critique sociologique de l'usage social de la comparaison interculturelle », Droit et société, n° 11-12, 1989, pp. 219-245 ; Charle (Christophe), « L’histoire comparée des intellectuels en Europe. Quelques points de méthode et propositions de recherche », dans Pour une histoire comparée des intellectuels,sous la direction de Marie-Christine Granjon, Michel Trebitsch, Bruxelles, Editions Complexe, 1998, pp. 39-59. Sur les problèmes de la méthode comparative dans les sciences sociales, voir Frognier (Paul), « Logiques de l’explication comparative », Revue internationale de politique comparée, vol. 1, 1994 ; Jucquois (Guy) et Vielle (Christophe) (dir.), Le comparatisme dans les sciences de l’homme : approches pluridisciplinaires, Bruxelles, De Boeck Université, 2000 ; Lallement (Michel) et Spurk (Jan) (dir.), Stratégies de la comparaison internationale, Paris, CNRS éd., 2003.

  13. Bourdieu (Pierre), Chamboredon (Jean-Claude) et Passeron (Jean-Claude), Le Métier de sociologue. Préalables épistémologiques, op. cit, p. 88.

  14. Ibid., p. 24.

  15. Brunner (Otto), Conze (Werner) et Koselleck (Reinhart) (éd.), Geschichtliche Grundbegriffe : Historisches Lexikon zur politisch-sozialer Sprache in Deutschland, Stuttgart, Klett-Cotta, 1972-1997, 8 vol. Pour ce qui concerne les rencontres entre les deux approches, je pense notamment à deux exemples : le colloque organisée à l’ENS de Lyon : Olivier Christin et R. Barat, « Cas d’espèces, cas d’écoles. Production nationale et circulation internationale des concepts des sciences sociales », 6-8 mars 2008 ; l’ouvrage Histoire des concepts & histoire sociale. Signifier, classer, représenter, xive-xxie siècle, un recueil de textes rassemblés en hommage à Reinart Koselleck par Bernard Lacroix et Xavier Landrin, à paraître.

  16. Voir Ball (Terence), Farr (James) et Hanson (Russell L.) (dir.), Political Innovation and Conceptual Change, Cambridge, Cambridge University Press, 1989 ; Skinner (Quentin), « The Idea of a Cultural Lexicon », Visions of Politics, Vol. I: Regarding Method, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.

  17. Camic (Charles) et Gross (Neil), « The New Sociology of Ideas », dans The Blackwell Companion to Sociology, sous la direction de Judith R. Blau, Oxford, Blackwell, 2004. Voir aussi Hauchecorne (Mathieu) et Ollion (Étienne), « What is the New Sociology of Ideas? A Discussion with C. Camic and N. Gross », Transeo, n°1, janvier 2009, URL: http://www.transeo-review.eu/What-is-the-new-sociology-of-Ideas.html.

  18. Voir Charle (Christophe), « L’habitus scholastique et ses effets : à propos des classifications littéraires et historiques », L’Inconscient académique, sous la direction de Fabrice Clément, Franz Schultheis et Michel Berclaz, Genève/Zurich, Editions Seismo, 2006, pp. 67-87. Voir également : Landrin (Xavier), « La sémantique historique de la Weltliteratur », op. cit.

  19. La réflexion sur la temporalité est centrale dans le travail théorique de Pierre Bourdieu, depuis ses travaux sur l’Algérie (voir notamment Bourdieu (Pierre), Algérie 60, Structures économiques et structures temporelles, Paris, Minuit, 1977 ; Ibid., « Pratiques économiques et dispositions temporelles », Annexe publié dans Esquisse d’une théorie de la pratique, Paris, Seuil, 2000, pp. 377-385 ; Ibid., « L’être social, le temps et le sens de l’existence », dans Méditations pascaliennes, Paris, Seuil 1998, pp. 245-288).

  20. Voir Koselleck (Reinhart), Le Futur passé. Contribution à la Sémantique des temps historique, Paris, éd. de l’EHESS, 1990 [1979] ; Ibid., L’expérience de l’histoire, op. cit. ; Hartog (François), Régimes d’historicités. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003.

  21. Voir Van Damme (Stéphane), « Comprendre les Cultural Studies : une approche d’histoire des savoirs », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, vol. LI, n° 4, 2004, p. 56.

  22. Ibid., p. 57.

  23. Voir Williams (Raymond), Culture and Society, London, Chatto and Windus,1958 ; Ibid., The Long Revolution, London, Chatto and Windus, 1961 ; Hoggart (Richard), The Uses of Literacy. Aspects of Working Class Life, London, Chatto and Windus, 1957 ; Thomson (Edward Palmer), The Making of the English Working Class, London, Victor Gallancz, 1963. Pierre Bourdieu a tenu compte de ces apports dans son essai « Le marché des biens symboliques », L’année sociologique, vol. XXII, 1971, pp. 49-126. Parmi les ouvrages qui relèvent de cette exigence voir Brewer (John), The Pleasures of the Imagination. English Culture in the Eighteenth Century, New York, Farrar, Straus & Giroux, 1997 ; Sassoon (Donald), The Culture of Europeans. 1800 to the Present, London, Harper Collins, 2006.

  24. Voir Anderson (Benedict), Imagined Communities. Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, op. cit. ; Löfgren (Orvar), « The Nationalization of Culture. National Culture as Process », Ethnologica Europea, vol. XIX, n° 1, 1989, pp. 5–25 ; Espagne (Michel) et Werner (Michael) (dir.), Philologiques III. Qu’est-ce qu’une littérature nationale ? Approches pour une théorie interculturelle du champ littéraire, Paris, Editions de la maison des sciences de l’homme, 1994 ; Thiesse (Anne-Marie), La Création des identités nationales. Europe xviie siècle-xxe siècle, Paris, Seuil, 1999 ; Ibid., « Une littérature nationale universelle ? Reconfigurations de la littérature française au xixe siècle », dans Intellektuelle Redlichkeit/Intégrité intellectuelle, sous la direction de Michael Einfalt, Ursula Erzgräber, Ottmar Ette et Franziska Sick, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2005, pp. 397-408.

  25. Voir Bourdieu (Pierre), « Du champ national au champ international », dans Les Structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 2000, pp. 273-280.

  26. Voir par exemple : Jurt (Joseph), « La littérature est-allemande, avant et après 1989 », dans Littératures et pouvoir symbolique, sous la direction de Mihaï-Dinu Gheorghiu et Lucia Dragomir, Paris, MSH, 2005, pp. 76-86 ; Joch (Markus), « Zwei Staaten, zwei Raüme, ein Feld. Die Positionnahmen im deutsch-deutschen Literaturstreit », dans Positionskämpfe europäischer Intellektueller im 20. Jahrhundert, sous la direction de Ingrid Gilcher-Holtley, Berlin, Akademie Verlag GmbH, 2006, pp. 363-367 ; Hänel-Mesnard (Carola), « La littérature est-allemande entre hétéronomie et tentatives d’autonomie », dans Champ littéraire et nation, sous la direction de Joseph Jurt, Freiburg im Breisgau, Frankreich-Zentrum der Universitat Freiburg, 2007, pp. 111-131 ; Maffeis (Stefania), Zwischen Wissenschaft und Politik. Transformationen der DDR-Philosophie 1945-1993, Frankfurt/New York, Campus Verlag, 2007 ; Ibid., « Nietzsche dans la RDA et dans l’Allemagne réunifiée : questions d’identité nationale et européenne », Le commerce des idées philosophiques, sous la direction de Louis Pinto, Paris, éditions du Croquant, 2009.

  27. Bourdieu (Pierre), Science de la science et réflexivité, op. cit., p. 121.

  28. Voir Boyer (Robert), « L’anthropologie économique de Pierre Bourdieu », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 150, 2003, pp. 65-78.

  29. Voir Bourdieu (Pierre), La Distinction, Paris, Editions de Minuit, 1979, pp. 109-187 ; Ibid., Homo Academicus, Paris, Minuit, 1984 ; Ibid., La Noblesse d’Etat, Paris, Minuit,1989 ; Ibid., Le Bal des Célibataires. Crise de la société en Béarn, Paris, Seuil, 2002.

  30. Bourdieu (Pierre), Sociologie de l’Algérie, Paris, P.U.F., 1961 ; Bourdieu (Pierre) et Sayad (Abdelmayek), Le Déracinement. La crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie, Paris, Editions de Minuit, 1964 ; sur ce dernier livre, voir Silverstein (Paul A.), « De l’enracinement et du déracinement », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 150, pp. 27-34 ; Bourdieu (Pierre), Darbel (Alain), Rivet (Jean-Paul) et Seibel (Claude), Travail et travailleurs en Algérie, Paris, Minuit, 1964 ; Bourdieu (Pierre), « Making the Economic Habitus. Algerian Workers Revisited », Ethnography, vol. I, n° 1, 2000, pp. 17-41 (traduction française : « La fabrique de l’habitus économique », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 150, 2000, pp. 79-90.)

  31. Voir Bourdieu (Pierre), Les Structures sociales de l’économie, op. cit., pp. 273-280.

  32. Blumer (Herbert), Symbolic Interactionism. Perspective and Method, Berkeley, University of California Press, 1969.

  33. Voir Degenne (Alain) et Forsé (Michel), Les Réseaux sociaux. Une analyse structurale en sociologie, Paris, Armand Colin, 1994.

  34. Becker (Howard), Outsiders, Glencoe, Free Press-Macmillan Publishing Co., 1963. Sur l’histoire des Cultural Studies, voir Mattelart (Armand) et Neveu (Érik), Introduction aux Cultural Studies, Paris, La Découverte, 2003 et Van Damme (Stéphane), « Comprendre les Cultural Studies : une approche d’histoire des savoirs », op. cit.

  35. Voir Cusset (François), French Theory. Foucault, Derrida, Deleuze et Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux Etats-Unis, Paris, La Découverte, 2003.

  36. Voir Latour (Bruno) et Woolgar (Steve), Laboratory Life: The Social Construction of Scientific Facts, Beverly Hills, Sage Publications, 1979 ; Latour (Bruno), Science in Action. How to Follow Scientists and Engineers Through Society, Milton Keynes, Open University Press, 1987.

  37. Voir Marneffe (Daphnée de) et Denis (Benoît) (dir.), Les Réseaux littéraires, Bruxelles, Le CRI/CIEL, 2006 ; notamment les contributions de Gisèle Sapiro, « Réseaux, institution(s) et champ », pp. 44-59, et Anna Boschetti, « De quoi parle-t-on lorsque l’on parle de réseau ? », pp. 60-70.

  38. Bhabha (Homi K.), « DissemiNation: Time, Narrative, and the Margins of the Modern nation », dans Nation and Narration, sous la direction de Homi K. Bhabha, London, Routledge, 1990; Appadurai (Arjun), « Putting Hierarchy in its Place », Cultural Anthropology, vol. III, n° 1, 1988, p. 37 ; Ibid., Modernity at Large : Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, Minnesota University Press, 1996 ; Appiah (Kwame Anthony), Cosmopolitanism : Ethics in a World of Strangers, New-York, WW Norton and Company, 2006.

  39. Said (Edward), Orientalism, New York, Pantheon Books, 1978.

  40. L’attention à la « global culture » et à ses effets sur le « local » a suscité une littérature très vaste. Parmi les ouvrages annonçant l’américanisation planétaire de la culture on peut citer Ritzer (George), The McDonaldization of Society. An Investigation into the Changing Character of Contemporary Social Life, Londres/Thousand Oaks, Sage/Fine Forge Press, 1993. Parmi ceux qui soulignent les échanges à double sens entre centre et périphérie et les processus de « créolisation » on peut citer Robertson (Roland), Globalization. Social Theory and Global Culture, London, Sage, 1992. Pour d’autres, il existe une diversité de cultures transnationales dont les centres ne sont pas seulement en Europe et aux Etats-Unis mais également en Asie, en Amérique latine et en Afrique : voir Appadurai (Arjun), « Disjuncture and Différence in the Global Cultural Economy », dans Global Culture. Nationalism, Globalization and Modernity, sous la direction de Mike Featherstone, London, Sage, 1991, pp. 295-310. 

  41. Wallerstein (Immanuel Maurice), Geopolitics and Geoculture : Essays on the Changing World-System, Cambridge/Paris, Cambridge University Press/Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1991 ; Ibid., World-Systems Analysis. An Introduction, London and Durham, Duke University Press, 2004 ; De Swaan (Abram), Words of the World : the Global Language System, Cambridge, Blackwell Publishers, 2001 ;Laitin (David D.), « What is a Language Community ? », American Journal of Political Science, n° 44, 1988, pp. 142-155 ; Schott (Thomas), « The World Scientific Community: Globality and Globalization », Minerva, n° 29, 1991, pp. 440-462 ; Harvey (David), Spaces of Global Capitalism. Towards a Theory of Uneven Geographical Development, London/New York, Verso, 2006. 

  42. Even-Zohar (Itamar), « Polysystem Studies »,Poetics today, vol. XI, n° 1, 1990, URL : http://www.even-zohar.com ; Ibid., Papers in Culture Research, 2005, URL : http://www.even-zohar.com ; Toury (Gideon), Descriptive Translation Studies and Beyond, Amsterdam/Philadelphie, John Benjamins, 1995.

  43. Voir Danto (Arthur), « The Artworld », Journal of Philosophy, vol. LXI, 1964, pp. 571-584 ; Becker (Howard S.), « Art Worlds and Social Types », American Behavioural Scientist, vol. XIX, n° 6, 1976, pp. 703-719

  44. La notion d’institution a été employée pour souligner la dimension sociale de la littérature. Toutefois ce concept ne saurait désigner tous les aspects de la réalité fluide, très peu institutionnalisée, qu’est l’univers littéraire. Voir, notamment, Even-Zohar (Itamar), « Polysystem Theory », Poetics Today, vol. I, n° 1-2, 1979, pp. 287-310 ; Dubois (Jacques), L’Institution de la littérature. Introduction à une sociologie, Paris/Bruxelles, Nathan/Labor, 1978 ; Sanders (Hans), Institution Literatur und Roman. Zur Rekonstruktion der Literatur-soziologie, Frankfurt, Suhrkamp, 1981.

  45. Voir Boschetti (Anna), La Poésie partout. Apollinaire, « homme-époque », Paris, Éditions du Seuil, 2001 ; Durand (Pascal), Mallarmé. Du sens des formes au sens des formalités, Paris, Éditions du Seuil, 2008.

  46. Forgé par Roland Barthes et Julia Kristeva.

  47. Concept utilisé par Michel Foucault pour désigner l’ordre culturel, variable selon les époques.

  48. Voir Durkheim (Émile), « Représentations individuelles et Représentations collectives », Revue de Métaphysique et de Morale, vol. VI, 1898, pp. 273-302  (repris dans Sociologie et Philosophie, Paris, P.U.F., 1967, pp. 1-38).

  49. L’exemple de Pierre Bourdieu, qui dans les Règles de l’art a situé au XIXe siècle la genèse du champ littéraire, montre combien il est difficile d’échapper totalement à ces « effets de réel », même pour les chercheurs qui ont consacré le plus d’attention à la réflexion épistémologique et à l’exercice de la vigilance. Voir Boschetti (Anna), « Réflexion sur le langage et réflexivité  », dans Pierre Bourdieu, sociologue, sous la direction de Louis Pinto, Gisèle Sapiro et Patrick Champagne, Paris, Fayard, 2004, pp. 161-183. 

  50.  Lakatos (Imre), The Methodology of Scientific Research Programs, New York, Cambridge University Press, 1978.


Pour citer cet article :

Anna Boschetti, « Présupposés et vertus de l'échange théorique transnational », dans Carrefours de la sociocritique, sous la direction d'Anthony Glinoer, site des ressources Socius, URL : http://ressources-socius.info/index.php/lexique/128-presupposes-et-vertus-de-l-echange-theorique-transnational, page consultée le 29 mars 2024.

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