Première publication dans Texte, revue de critique et de théorie littéraire, no 45/46, 2009, pp. 177-194.

 

Cet article a été composé par les chercheurs qui formaient en 2009 le Gremlin (Groupe de recherche sur les médiations littéraires et les institutions) : Pascal Brissette, Björn-Olav Dozo, Anthony Glinoer, Michel Lacroix et Guillaume Pinson. Le groupe de recherche s’est depuis élargi à d’autres chercheurs.

 Les difficiles entre-deux1

« Il n’est pas sûr que le terme de sociocritique […] soit lavé de toute ambiguïté » écrivait Claude Duchet en 19752. Cet « inconfort théorique » était selon lui essentiellement de nature provisoire, dû à un premier élan de travaux ; toutefois, tout indique qu’il perdure et génère son lot de refondations ou de bilans théoriques. Est-ce faute d’objet spécifique, source d’un appareil conceptuel cohérent et d’une méthodologie propre, comme le soutenait Duchet ? Plutôt d’une position d’entre-deux, inhérente à sa visée. Il y a en effet un inévitable « saut épistémologique du texte au contexte3 », ainsi que des théories et méthodes conçues pour un objet (la littérature) à d’autres, élaborées dans des cadres et des perspectives distinctes (la sociologie, l’histoire sociale, la sociolinguistique, etc.), dès lors que l’on cherche à interroger la socialité du texte, à élucider les procédés et enjeux du processus de transformation sémiotique du social opérée par et dans le texte, bref à articuler, dans l’analyse, phénomènes textuels et phénomènes sociaux. Cependant, à moins de résorber entièrement le social dans le texte (ou au mieux dans les discours), pour en faire une pure construction verbale, ou inversement, de tout ramener, en dernière instance, à des considérations sociologiques, il faut tenir ce pari.

On pourrait même dire que la sociocritique est tout entière vouée à assumer et éclairer cet inconfort, cet entre-deux, par le biais de la notion de médiation. L’on peut rappeler, à ce sujet, le postulat de Duchet : « S’il n’est rien dans le texte qui ne résulte d’une certaine action de la société […], il n’y est rien, en revanche, qui soit directement déductible de cette action. D’où l’importance décisive des médiations4 », ou encore, la formule, plus récente, d’Edmond Cros, selon laquelle la sociocritique vise à reconstituer « l’ensemble des médiations qui déconstruisent, déplacent, ré-organisent ou re-sémantisent les différentes représentations du vécu individuel et collectif5 ». Dans cette optique, la sociocritique peut être conçue comme l’étude des multiples formes de médiations entre la littérature et l’ordre des discours aussi bien qu’entre le discours social (dont le discours littéraire) et les phénomènes artistiques, sociaux, économiques, politiques, religieux, etc., d’une époque donnée. Il importe donc de saisir conceptuellement l’ensemble de ces médiations, préciser les méthodes aptes à les éclairer et à rendre raison, dans cette optique, du travail sur le social opéré dans différents corpus de textes, qu’ils aient ou non été conçus et reçus comme « littéraires ». Examiner les textes dans le cadre d’une triangulation dynamique avec ces autres pôles que sont les configurations discursives et les configurations socio-historiques mine en outre l’opposition frontale avec la sociologie de la littérature, permet de construire d’autres rapports, sans pour autant mener à une confusion entre les deux démarches. Il s’agit plutôt d’identifier sur quels plans et sur quel mode peut s’accomplir un nécessaire travail interdisciplinaire, pour lequel d’autres apports sont indispensables que celui de la sociologie de la littérature. L’ambition de la sociocritique, au sein des études littéraires et, plus généralement, des sciences humaines et sociales, pourrait être celle-là : (re)penser et (re)lire plus finement la dynamique des médiations entre le social et ses représentations, dans leur historicité et leur épaisseur textuelle.

Interaction et déterminisme

Dans cette lecture du travail de l’entre-deux effectué par la sociocritique, nous postulons que la logique sous-tendant les médiations et, plus généralement, les relations entre individus et systèmes, champs ou cadres généraux d’action, peut être qualifiée de déterminisme léger. Nous ne souscrivons donc pas aux conceptions reposant sur un déterminisme lourd, qui tendent à tout ramener, en dernière instance, à des mécanismes surplombant, et plus particulièrement, les travaux sur la littérature qui réduisent ce qui est en jeu dans les textes et discours, à des effets produits par des lois, états de faits, hiérarchies ou hégémonies infrastructurelles ; pas plus que nous n’adoptons celles qui accordent une place exclusive à l’acteur et tendent à faire émerger l’ensemble des structures, mécanismes sociaux des effets de ses actions.

Plutôt, nous souscrivons à une perspective de l’autonomie limitée, de la contrainte partielle, mettant en évidence les effets de retour constants entre structures sociales et action individuelle, de même qu’entre les divers plans sur lesquels se déploie ou auxquels se rattache la littérature. Nous entendons ainsi tenir compte tout à la fois des déterminismes et des phénomènes d’illusio (Bourdieu) ou de méconnaissance6 que des degrés divers et fluctuants de connaissance des acteurs sur leur propre pratique, ainsi que des effets divers de leurs actes sur les structures. Nul œcuménisme bon teint dans ce positionnement instable, mais plutôt l’ambition de chercher à dessiner les forces et actions qui sont en perpétuelle reconfiguration et interdépendance. Qui plus est, l’intégration d’une multiplicité de formes de médiations dans le cadre d’analyse permet de distinguer les niveaux de déterminations et d’interactions, et ainsi d’échapper à une lecture déterministe unilatérale sans escamoter les déterminations, ceci dans la foulée du processus ayant mené divers chercheurs en sciences sociales à la relecture des travaux de Simmel et d’Elias. Par la notion de « configuration », ce dernier traduisait théoriquement la dynamique des interdépendances constantes, lesquelles supposent la position unique de l’individu au sein de la société et tout à la fois sa dépendance au monde qui l’entoure7. Ce rapport, irréductible à l’un ou l’autre pôle (il n’y a pas « d’individus » sans « société », il n’y a pas de « sujets » sans « objets »), peut constituer le fondement d’une manière féconde de penser la tension de ce qui est à la fois unique ─ l’œuvre d’art ─ et pourtant inclus dès l’origine du processus de création dans un réseau d’interdépendances.

Singularité et socialisation

Dans le cas de la littérature, et de toute activité touchant directement à la production et diffusion d’objets sémiotiques, qui n’ont de sens qu’en fonction d’une réception, d’une interprétation, cette opposition, souvent irréductible, entre les approches systémiques et individualisantes, fait surgir la question cruciale de la singularité8.

La difficulté, majeure, ici, est de rendre raison du travail opéré dans et par les textes, des déplacements, permutations, ébranlements et obscurcissements qu’ils introduisent, tout en évitant les divers écueils de la « singularisation », parmi lesquels on peut identifier les procédés suivants :

1) reproduire le régime de singularité et d’originalité, prédominant depuis deux siècles dans les secteurs de production culturelle, qui conduit souvent à ne prêter qu’aux riches (forme légitimée du culte du génie) ;

2) attribuer à la seule littérature ou aux textes socialement institués comme « littéraires », les déplacements significatifs (opacification, mise à jour des contradictions, production de topoï inédits, etc.) dans l’ordre des discours ou du symbolique ;

3) présenter comme un saut qualitatif, un travail majeur sur les discours, ce qui n’est peut-être qu’une variation sans portée historique ou herméneutique forte, une transformation prévisible, voire attendue, du fait du contexte socio-discursif ;

4) substituer au génie de l’auteur le brio du chercheur, qui sait toujours, quel que soit son objet, faire émerger un « bougé », une forme de singularité textuelle ;

5) se baser sur un corpus trop restreint, méthodologiquement, pour permettre des généralisations sur la part de reproduction et de transformation du discours social dans la mise en texte.

Pour les éviter, il importe de mettre au cœur de la perspective les interactions constantes entre singularité (comme projet global d’un univers, la littérature, et comme caractéristiques éventuelles d’un texte) et socialisation (i.e. : toute forme de déterminisme extérieur, de reproduction du déjà-là discursif, de manifestation de la dimension sociale du texte), ceci en se mettant à l’étude des instances et des opérations intermédiaires, en analysant les multiples interactions, déplacements, brouillages que les diverses médiations du social au texte (et retour) permettent. Par là, la sociocritique peut jouer un rôle spécifique au sein des travaux en sciences humaines, dans la mesure où elle n’adoptera pas le postulat de la singularité de ses objets, mais posera au contraire cette singularité comme problème fondamental, qu’elle entend interroger. Il importe pour elle de distinguer entre le caractère herméneutique de sa démarche, qui se donne comme objet premier d’étude cette « unité » relativement autonome qu’est le texte, et la revendication de singularité inhérente à l’art moderne.

Nous n’entendons pas, pour autant, revenir au positivisme des larges corpus, des données quantitatives, du cadre bien ficelé, de l’érudition foisonnante. Ni élaborer une grille prescrivant un parcours fléché menant sans peine à la découverte des médiations. Comme le signalait André Belleau, « la pratique critique vise en effet beaucoup plus à poser des problèmes qu’à construire des modèles. Elle opère avec des questionnements pertinents, des concepts adéquats, une bonne reconnaissance de terrain, et beaucoup, beaucoup d’oreille9. » Mais, si le « terrain » change avec chaque recherche, et par conséquent les méthodes appropriées, les questionnements et les concepts, eux, se prêtent à des réflexions plus générales, invitent à redessiner périodiquement la carte de la sociocritique.

Médiations

Pour savoir ce que le texte fait du social et ce que le social fait au texte, il faut identifier les médiations qui opèrent sur tel ou tel texte, et voir comment elles se retraduisent ou se transposent dans le texte. Or, malgré l’importance de la notion de médiation pour la sociocritique, il n’y a eu que peu de travaux visant à établir ses principales formes, les exceptions étant dues à Edmond Cros et Alain Viala10. Nous ne prétendons pas viser une impossible exhaustivité, mais cherchons plutôt à identifier les principaux axes de médiations, sur lesquels ont porté ou devraient porter les recherches. Seulement, du fait de la diversité des médiations, toute étude implique un travail interdisciplinaire qui, loin de noyer toute spécificité sociocritique, doit amener cette dernière à se concevoir comme perspective fédératrice. Dans sa volonté d’interroger la socialité du texte sous toutes ses coutures, elle peut intégrer des questionnements, des approches, des méthodes issues d’autres traditions, d’autres disciplines, qui lui sont alors autant de « sciences auxiliaires ». « La question reste ouverte, »écrivait Ruth Amossy, « de ces modes d’analyse comme “ explications ” des œuvres ou comme étape nécessaire, impliquant le dialogue avec d’autres approches11 » : nous estimons que, sans renier sa spécificité ou l’apport indispensable de ses microlectures, la sociocritique doit opter résolument pour la seconde hypothèse. La sociocritique n’a pas à se concevoir dans une opposition radicale, dans un isolationnisme ignorant plus ou moins les travaux qui cherchent eux aussi, quoique dans d’autres perspectives, à éclairer les médiations entre les textes et le social. Elle devrait au contraire montrer que son apport est indispensable à ces analyses, dans une division du travail critique ouverte à des formes diverses de collaboration.

Par ailleurs, sur un plan plus concret, le survol des divers axes de médiation ne doit pas être conçu comme l’énoncé d’un programme de recherche ou comme une marche à suivre dans l’étude d’un corpus. L’on ne saurait proposer à quiconque de passer en revue, une après l’autre, toutes les médiations possibles, comme si cette pluralité était garante d’un surcroît herméneutique. De toute façon, leur prise en considération globale peut difficilement s’accomplir au sein d’un même travail, a fortiori s’il est accompli par un seul chercheur dans les limites fort restreintes d’un article scientifique (modèle dominant de la production universitaire). D’où la nécessité de varier les perspectives, de passer d’une médiation à l’autre, selon les objets étudiés et de tenir compte des articulations entre médiations d’un cas à l’autre, puisqu’elles n’opèrent jamais seules mais toujours dans des « dispositifs prismatisques12 » ; d’où, aussi, l’importance des équipes de recherche, qui peuvent tenter de rendre raison de plusieurs de ces axes au sein d’un même projet13.

(a) Médiations « discursives »

Le plan primordial où s’effectuent les médiations est celui des discours. Pour reprendre l’expression de Tynianov, « La vie sociale entre en corrélation avec la littérature avant tout par son aspect verbal14 ». Ce postulat fondamental de la sociocritique, que la re-production du social dans un texte est d’abord d’ordre discursif, que les procédés formels et la gangue intertextuelle sont les lieux par excellence de la réfraction du social, possède toujours sa pertinence, près de quarante ans après l’article fondateur de Claude Duchet. Toutefois, diverses approches, dont celles de l’analyse du discours et de l’intermédialité, ont contribué à articuler autrement ce premier niveau de médiations, aussi est-il utile d’en redessiner les contours.

Le discours social, conçu comme ensemble structuré, cohésif et hiérarchisé de la totalité des discours d’une époque donnée, dont la théorie a été développée par Angenot, dans le prolongement des travaux de Bakhtine et Foucault, plonge tout texte dans une intertextualité généralisée et, de ce fait, relie toute marque de socialité propre à ce texte, dans les énoncés comme dans l’énonciation, dans son axiologie comme dans son axiomatique, à ce qui s’énonce dans la masse discursive contemporaine. Cette théorie et son outillage méthodologique ont permis de donner une base solide à l’étude du co-texte, pour reprendre le terme proposé par Claude Duchet, et a renouvelé en profondeur la sociocritique, en remettant en question, entre autres, le postulat de la singularité15.

Par ailleurs, des recherches distinctes, en analyse du discours, ont introduit d’autres notions susceptibles d’éclairer les médiations, dont celles liées à l’ethos, à la scène énonciative ou à la paratopie (Amossy et Maingueneau). De plus, de multiples travaux en sociolinguistique, dont ceux de Labov et Milroy, ont exploré la modulation et symbolisation du social dans le matériau même des interactions orales16 ; cependant, si leurs questionnements, méthodes et découvertes sont susceptibles d’éclairer ce que les discours font du social, l’ignorance semble générale et réciproque entre sociolinguistique et sociocritique.

Par-delà la masse de l’imprimé, il faut aussi tenir compte des médiations spécifiques dues à la « sémiosphère », aux productions comportant une dimension symbolique. Des arts plastiques aux jeux vidéos en passant par la bande dessinée, le cinéma, la musique ou la culture numérique, ces dernières effectuent en effet des mises en forme du social qui sont en interaction avec celles des discours. À cet égard, les travaux sur l’intermédialité paraissent susceptibles d’enrichir les réflexions sociocritiques sur la médiation, dans la mesure où ceux-ci tiennent compte, dans leurs analyses de « l’entre-deux », du caractère indissociablement matériel et social, en même temps que sémiotique, des textes.

En même temps qu’englobé dans ces ensembles discursif et médiatique qui imposent déjà, avant toute écriture, des représentations du social et des modes de représentation, le texte les retravaille par le biais de ses propres médiations internes, celles de la forme. Déterminée à ne pas verser dans la sociologie du contenu, la sociocritique a fait des médiations formelles son principal objet d’investigation, le fondement même de sa constitution en approche distincte. S’il n’y a guère lieu d’insister sur l’importance de ces « institutions littéraires », pour reprendre l’expression d’Alain Viala, on peut cependant s’interroger sur la cohésion relative des travaux. Pour le dire un peu brutalement, un des problèmes inhérents à la sociocritique, qui découle partiellement de la nature essentiellement compréhensive de son approche, est celui de la cumulativité de ses découvertes. De quelle manière la richesse des interprétations sociocritiques peut-elle contribuer à des synthèses plus générales ? Comment passer de l’herméneutique de corpus spécifiques à une histoire des médiations formelles, telle qu’esquissée jadis par le GREGES, par exemple17 ? D’une certaine manière, ces questions tournent autour du problème de la diachronie, de l’articulation entre sociocritique et histoire, toujours problématique, rarement problématisée.

(b) Médiations institutionnelles

Ce premier plan de médiations, opérées dans et par le langage, par les ressources formelles, rhétoriques, sémiotiques, etc., propres à chaque type de texte, est en quelque sorte dépourvu d’acteurs et de processus, très peu matérielle aussi, comme si tout se jouait dans un espace purement langagier. Or, la médiation du social a lieu dans le social, est liée à l’action d’instances médiatrices entre le texte et le social. Nous proposons donc de distinguer un deuxième plan de médiations, dont la nature est double : d’un côté, leur implication dans la socialisation des textes, leur position d’interface entre des logiques internes à la sphère littéraire et les logiques externes (contraintes économiques, éthico-religieuses, politiques, etc.) rendent ces médiations abstraites et processorales ; de l’autre, en vertu même des processus qu’elles mettent en branle, leur effet se fait sentir de multiples façons dans les textes mêmes, dans le choix des formes, le travail sur l’intertextualité, le parcours de réécriture menant du désir d’écrire un texte précis à sa publication. Les institutions de la vie littéraire18 ne sont pas de purs lieux de détermination, extérieurs au texte, mais touchent de près au texte lui-même, à son écriture et à sa lecture. En amont et en aval de celui-ci, mais aussi en son cœur, elles ont partie liée avec le processus de textualisation du social.

Les étapes menant du manuscrit à l’imprimé mobilisent deux premières séries de médiations institutionnelles. D’une part, les médiations dues à la circulation des avant-textes entre les mains de plusieurs acteurs (conseillers, éditeurs, directeurs de revue, lecteurs professionnels, compagnons de cénacle), qu’une sociogenèse intégrant le rôle de ces médiateurs aux acquis de la génétique peut chercher à éclairer. D’autre part, celles dues aux supports (manuscrit, dactylogramme, polycopié ou imprimé ; type et format de papier, de caractères, jaquette, bandes, etc.) dont les travaux en histoire du livre et en bibliographie matérielle ont enrichi l’étude, sans interroger, cependant, ce que « dit » du social cette matérialité textuelle19. Le texte est toujours tributaire d’un faisceau d’actions posées par une pluralité d’acteurs sociaux. Les médiations dues aux médiateurs et à la matérialité sont d’ailleurs étroitement reliées, voire indissociables, car l’intervention des premiers s’avère souvent décisive dans la transformation du texte en livre. Imposer des corrections, apposer un titre, régler la marge de « blanc », opter pour un papier « de luxe » ou un « grand format » : ce sont là des opérations qui ne portent pas que sur une « surface externe » du texte, analysables selon des logiques commerciales, mais portent sur autant de dispositifs symboliques, générateurs de socialités spécifiques.

Une fois le livre publié et diffusé, il ne perd pas tout intérêt pour la sociocritique, qui laisserait sinon son sort aux sociologies de la lecture et aux études de la réception. Car, dans sa circulation sociale, le texte passe à travers de multiples médiations institutionnelles qui en sédimentent le sens, interposent entre celui-ci et le lecteur (« sociocriticien » compris), des couches de lecture. Si on pose, par ailleurs, que la sociocritique ne peut que faire sienne le postulat que le sens du texte n’est pas un « en-soi », indépendant de ses appropriations et interprétations, dès lors il faut tenter d’articuler réception et médiations.

On s’interrogera ainsi, entre autres : a) sur les interférences entre le texte, le paratexte (dédicaces, épigraphes, frontispices, quatrièmes de couverture) et l’épitexte (Gérard Genette) généré par la médiatisation de la pratique littéraire (interviews, portraits photographiques, descriptions de maisons d’écrivains) ; b) sur le « triple jeu » qui se joue dans la littérature comme dans l’art20 entre les créateurs, les spécialistes et le public, par lequel se rétablit la chaîne entre la production et la réception du produit culturel ; c) sur les « instances de reconnaissance » (l’éditeur ajoutant tel titre à son catalogue ; la critique littéraire, neutre, polémique ou même de complaisance, choisissant de parler de telle œuvre ou au contraire de la passer sous silence) et les « instances de consécration »21 (prix et autres gratifications) grâce auxquelles se met en place un certain canon littéraire.

À cet égard, l’un des apports majeurs de la théorie du champ littéraire, telle qu’elle a été élaborée par Pierre Bourdieu, a été de souligner la prégnance d’une logique sociale spécifique au sein de la sphère littéraire. Ainsi Bourdieu prend-il soin de rappeler, entre autres exemples, « l’effet de réfraction exercé par le champ [sur les] écrivains […] les plus visiblement soumis aux nécessités externes » comme les écrivains conservateurs22. Même si on peut juger que la réduction des textes à des prises de position au sein du champ ramène un peu trop brutalement le travail du texte à l’expression d’une stratégie (consciente ou non), la prise en considération des enjeux propres au champ littéraire (toujours « relativement » autonome) s’avère indispensable à l’étude des phénomènes de médiation via l’examen des « effets de champ ». Ce n’est pas pour autant, ici encore, que ce prisme doit être tenu pour la clé ultime de l’interprétation.

(c) Pratiques sociales

Nous postulons en effet que, malgré l’importance déterminante des médiations discursives et institutionnelles, d’autres canaux « médiateurs », d’autres dialectiques pèsent sur la socialité du texte. Ce postulat est largement partagé par les chercheurs pratiquant la sociocritique, cependant on peut noter que les médiations opérant sur ce plan ont été les moins étudiées, les moins systématiquement théorisées, malgré la remarque d’André Belleau, pour qui « une sociocritique valablement constituée […] impliquerait non seulement une théorie du texte mais aussi une théorie de la société23 ». Près de trente ans plus tard, le conditionnel semble toujours de mise, sans doute parce qu’on touche ici à des questions relevant plus immédiatement d’autres approches, d’autres disciplines, en particulier de la sociologie et de l’histoire culturelle. Doit-on pour autant laisser entièrement à ces dernières l’étude des relations entre discours et pratiques sociales, en particulier les questions d’ordre historique ? Nous ne le croyons pas. Ceci pour trois raisons fondamentales.

La première, esquissée en introduction, est celle de la « dialectique triangulaire » entre textes, discours et phénomènes sociaux, animée par l’incessante confrontation, vécue par tout locuteur, consciemment ou non, entre l’ordre des discours et l’expérience sensible du social. Une deuxième tient à la dimension symbolique inhérente à cette expérience du social, laquelle fait « tenir ensemble », malgré leur hétérogénéité, pratiques quotidiennes et discours. Autrement dit, le discours n’est pas « le » lieu où s’effectue le saut du social, dans son opacité brute, « phénoménale », à la pensée et au symbolique, mais un des maillons d’une concaténation de médiations entre pratiques, institutions et productions symboliques. Enfin, les pratiques sociales, dans leur diversité et leur complexité, découpent, hiérarchisent et particularisent la relation au social des individus. Cependant, si on peut postuler que ces pratiques se condensent et s’ordonnent, inconsciemment, dans la formation des habitus, il importe aussi, selon les objets étudiés, de cerner comment certains éléments de la pratique sociale servent tout à la fois de vecteurs de déterminations du social vers le texte et de lieu de médiations entre le social et le texte.

Dans cette optique, le foisonnement des recherches historiques et sociologiques sur les dimensions sociales de la culture ou les dimensions culturelles du social mérite de retenir l’attention. Les recherches des Chartier, Corbin, Ginzburg, Kalifa, Ory et autres intègrent en effet souvent la question de la représentation et brassent des corpus mêlant textes littéraires légitimes, littérature de masse, échantillonnages de la masse discursive, etc. L’analyse des pratiques sociales, comme axe de médiation, constitue peut-être le terrain par excellence des rencontres entre la démarche sociocritique et celles développées dans d’autres cadres, basées sur d’autres postulats. D’où l’exigence de développer une interdisciplinarité critique, soucieuse d’éviter le syncrétisme et les contradictions épistémologiques, en même temps qu’ouverte à un dialogue conceptuel et méthodologique ou à des collaborations portant sur des objets d’étude communs.

Tenter de dresser un portrait des médiations à l’œuvre selon cet axe est évidemment impossible, quand bien même se restreindrait-on à leurs principales formes. Au demeurant, le choix des médiations à étudier dépend essentiellement de l’objet que se donne chaque chercheur. Néanmoins, nous estimons utile de souligner le caractère heuristique de quelques avenues particulières, bien que de façon succincte. Une première pourrait être celle des constructions axiologiques, des élaborations de normes, de valeurs et de hiérarchies. À la suite des travaux de Hamon24, qui ont mis en évidence l’importance des opérations d’évaluation au sein des textes et ont interrogé en fonction de la notion d’idéologie les rapports entre la mise en texte de la valeur et les systèmes de différence socialement prégnant, il serait pertinent d’éclairer le problème de la valeur (des textes et dans les textes) à partir des pratiques, institutions, médias et autres médiations qui, dans une situation socio-historique donnée, la mettent en jeu. Certes, la logique de la distinction et les lectures sociologiques de la réception ont aussi mis en lumière plusieurs aspects de ce problème, toutefois une étude des procédés discursifs et formels doit compléter voire retravailler leurs analyses car, ici autant qu’ailleurs, la forme constitue bien souvent une « sédimentation de contenu », pour reprendre l’expression d’Adorno.

L’invention des identités collectives croise en partie cette première avenue, mais débouche sur de tout autres enjeux et médiations. Là où il y eut longtemps, sur le plan conceptuel, un hiatus, voire un abîme infranchissable, entre ce qui relevait des phénomènes censément les plus tangibles, les plus solidement enracinés dans le réel (les classes sociales, par exemple) et ce qui relevait tantôt du fantasme, tantôt du reflet (la littérature), divers courants en anthropologie et en sociologie ont conduit à combler ce fossé, entre autres en montrant l’importance des discours dans la construction des communautés imaginées (la nation, pour Anderson25) ou de la rhétorique dans les interactions sociales (Herzfeld26), pour ne donner que deux exemples. La convergence ainsi ouverte avec la sociocritique, qui a elle aussi, de son côté, contribué à articuler autrement identités sociales et médiations formelles, doit évidemment beaucoup au « tournant linguistique » qui a marqué les sciences sociales et peut parfois camoufler les incompatibilités profondes des cadres épistémologiques. Le chantier des études sur la construction socio-discursive des identités est en effet occupé par quantité de perspectives distinctes, du féminisme au postcolonialisme, de l’étude des lieux de mémoire aux déconstructions des narrations historiographiques. Il n’empêche que la sociocritique a sa partie à jouer, sur ce terrain, et pourrait chercher à identifier les approches avec lesquelles le dialogue serait plus fructueux, pour parvenir éventuellement, sur certains objets, à embrasser avec plus de netteté et de profondeur les niveaux de médiation qui modulent les clivages sociaux.

De multiples autres pistes paraissent susceptibles de lester les analyses des médiations discursives et de la vie littéraire par une ouverture réfléchie aux médiations opérées dans le cadre même des pratiques sociales, ainsi qu’aux autres approches ou disciplines se penchant sur ces pratiques. Il pourrait être question ici, de la ville ou du travail, mais nous n’emprunterons que la seule piste des sociabilités. Le social, ce n’est pas que des déterminations abstraites, des masses anonymes, des catégories, des mécanismes transversaux, mais aussi des interactions sociales concrètes, des « communautés » locales, qui servent de filtre entre le social et ses représentations, entre autres par le biais des « sociolectes », dont Zima avait fait la base de son étude sur le roman proustien27. Il importe donc de tenir compte des sociabilités comme formes de médiation, entre autres parce que le rapport des écrivains au social passe par ce filtre, parce que le contact avec la littérature, les discours, les formes de capital, les divisions sociales, etc., est dans une certaine mesure canalisé, orienté, par les interactions avec autrui et par les configurations locales au sein desquelles les écrivains sont insérés (revues, maisons d’édition, cénacles, associations, réseaux plus ou moins formalisés). Ainsi, il y a nécessairement des décalages entre a) la totalité de ce qui se publie, dans une société donnée, b) la part de cette totalité qui est objet de discours dans les médias ; c) les livres qu’on fait circuler et dont on parle, au sein d’un groupe donné. Or, ces décalages produisent des effets, entraînent certaines lectures, orientent vers une certaine forme d’écriture, introduisent, entre le discours social, le champ et les écrivains, des distorsions. En un mot : bien plus qu’un à côté anecdotique, la sociabilité opère une médiation significative entre la littérature et le social.

(d) Imaginaire social

Beaucoup utilisée, théorisée depuis peu, la notion d’« imaginaire social » apparaît comme l’une des grandes médiations du social que la sociocritique doit continuer d’investiguer28. Très liée au développement des recherches sur le discours social, cette notion a toujours présenté une nature fondamentalement ambivalente, entre description et prescription. Il s’agit à la fois de ce dont rêve la société, et de ce qui a le pouvoir de faire rêver la société, pour reprendre certains termes de la définition qu’en a proposé récemment Pierre Popovic29. Son principal mérite tient peut-être au fait qu’elle cherche à rendre compte des effets propres de la fiction dans le monde social, des effets-retours, des déterminations qui influent sur le réel, marquent les sensibilités, voire commandent les gestes, cela dans une perspective quasi anthropologique : « le texte contribue, » écrivent Angenot et Robin, « à produire un imaginaire social, à offrir aux groupes sociaux des figures d’identité (d’identification), à fixer des représentations du monde qui ont une fonction sociale30. ».

On le sait, les effets de tourniquet sont ici vertigineux, les décalages et reprises parfois difficiles à suivre dans toutes leurs ramifications. Le texte littéraire travaille notamment une forme d’intertextualité très particulière dont l’objet est la « socialisation » du texte et des imaginaires littéraires. Les récits bien connus des « mauvaises lectures » qui ne sont pas sans conséquence sur la « réalité » (Don Quichotte, Madame Bovary), ou ceux des médiations de l’art et de la littérature sur les appréciations esthétiques du réel (À la recherche du temps perdu), témoignent qu’il n’est peut-être pas de lieu plus attentif aux effets de la littérature que la littérature elle-même. À l’imaginaire social devrait d’ailleurs s’associer une réflexion sur « l’imaginaire mythique31 » dans la mesure où la littérature réactive les grands mythes qui traversent l’histoire des sociétés tout en contribuant à les cristalliser, à leur donner forme, voire, dans certains cas, à leur donner corps en les intégrant aux pratiques et aux rites de l’écriture. Que l’on songe par exemple au mythe de la bohème, inséparable de la formation de l’idée de modernité littéraire et artistique, aux racines duquel on trouve une série de stéréotypes sociaux (les bohémiens errants), de topoï (l’artiste pauvre, mais heureux), de scènes (l’orgie, le dîner frugal, la scène d’hôpital), de personnages clés (la grisette, le rapin, le poète crotté, le propriétaire), qui se forme en France sous la monarchie de Juillet. De Murger à Puccini en passant par Vallès et Bloy, le mythe de la bohème se « précipite » en une série d’œuvres littéraires qui prétendent refléter un certain mode de vie artiste et contribuent en fait à générer des types de pratiques et des rituels qui trouvent à leur tour à « s’exporter » dans les grandes villes de l’Europe et de l’Amérique.

Il n’y a certes pas lieu de limiter l’imaginaire social à la littérature, même si sur la longue durée la littérature en a sans doute été un élément prédominant, et le roman tout particulièrement à partir du xixe siècle. Il n’est pas non plus question d’un retour au solipsisme littéraire, à l’examen cloisonné du monde littéraire tel qu’il s’imagine être. Il s’agit plutôt de s’interroger sur une certain « efficace » des discours, et notamment sur les valeurs qui sont parties constituantes de l’imaginaire social et qui assurent une bonne part de ces effets-retour sur le social et les pratiques. Autrement dit, porter l’interrogation sur une certaine forme « d’inertie » de l’imaginaire de la littérature permet d’observer et d’analyser sa capacité à imprégner le monde social, à traverser l’histoire et à conférer aux sociétés des cadres d’appréciation et de jugement. En cela, l’imaginaire social se développe sans doute aux confins de ce que l’histoire culturelle a pour sa part proposé autour de la notion de représentation32.

Ce survol des médiations cerne un vaste territoire, partagé par plusieurs perspectives et disciplines. Il ne constitue pas, nous l’avons dit, un programme de recherche, mais invite plutôt à penser l’articulation entre les recherches sociocritiques, menées en fonction d’objet spécifiques, généralement sur un horizon à court ou moyen terme, et l’entreprise de conceptualisation des multiples formes et axes de médiation, jamais aboutie, toujours remise sur le métier. De même, il cherche à penser ces recherches et cette conceptualisation en tenant compte des lieux de convergence, de dialogue et de confrontation (évitons de souscrire à une vision idéalisée de la recherche universitaire) entre les perspectives ou disciplines des sciences humaines. La sociocritique n’a pas à être diluée au sein de la sociologie de la littérature, de l’analyse du discours, de l’histoire culturelle, de l’intermédialité, de l’histoire du livre, mais elle doit assumer plus nettement le fait que ses domaines de recherche et jusqu’à certaines de ses interrogations les plus fondamentales sont « en garde partagée » avec ces approches, et que par conséquent, elle doit chercher à tenir compte de cette inévitable interdisciplinarité. À charge pour les chercheurs se réclamant de la sociocritique d’emprunter dans les diverses boîtes à outils à leur disposition les instruments les mieux à même d’éclairer leur objet d’étude.

 


Notes

  1. Nous remercions le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour son appui financier.

  2. Duchet (Claude), « Introduction. Le projet sociocritique : problèmes et perspectives », dans La lecture sociocritique du texte romanesque, sous la direction de Henri Mitterand et Graham Falconer, Toronto, A. M. Hakkert, 1975, p. 5.

  3. Belleau (André), Le romancier fictif. Essai sur la représentation de l'écrivain dans le roman québécois, Québec, Nota Bene, coll. « Visées critiques », 1999, p. 78.

  4. Duchet (Claude), « Positions et perspectives », dans Sociocritique, sous la direction de Claude Duchet, Paris, Nathan, 1979, p. 4.

  5. Cros (Edmond), La sociocritique, Paris, L'Harmattan, coll. « Pour comprendre », 2003, p. 37. Un courant majeur de la sociologie de l'art et de la musique, depuis Baxandall, Howard Becker, Nathalie Heinich et Antoine Hennion, a quant à elle intégré depuis longtemps la notion de médiation et de médiateur. Hennion écrit ainsi : « Si d'autres lectures rendent justice à la sociologie de l'art, il est frappant de constater que son travail peut être ramené à une restitution, empirique ou théorique, des médiateurs de l'art. » Hennion (Antoine), « La sociologie de l'art est une sociologie du médiateur », dans L'art de la recherche. Essais en l'honneur de Raymonde Moulin, sous la direction de Pierre-Michel Menger et Jean-Claude Passeron, Paris, La documentation française, 1994, p. 171. Les notions de médiation a cependant été si envahissante, elle fait à ce point office de « clé de voûte » (Ibid., p. 178) pour ce courant, qu'elle en est parfois venue à masquer soit l'herméneutique des œuvres, soit l'univers de croyances, de concurrences et de conflits dans lequel toutes ces interventions prennent place.

  6. Autant ceux mis en relief par la sociologie critique que ceux de « non-conscience » du texte, tels qu'esquissés aussi bien par Duchet que par Cros.

  7. « Ce qu'on a coutume de désigner par deux concepts différents, "l'individu" et la "société", ne constituent [sic] pas, comme l'emploi actuel de ces deux termes nous le fait souvent croire, deux objets qui existent séparément, ce sont en fait des niveaux différents mais inséparables de l'univers humain » Élias (Norbert), Qu'est-ce que la sociologie ?, La Tour d'Aigue, Éditions de l'Aube, 1991, p. 156.

  8. Pour l'opposition, au sein des sphères culturelles, entre régime de singularité et régime de communauté, voir les travaux de Heinich (Nathalie), parmi lesquels L'Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, 2005.

  9. Belleau (André), op. cit., p. 14.

  10. Cros (Edmond), op. cit. ; Viala (Alain), « Effets de champ, effets de prisme », Littérature, n° 70, mai 1988, p. 64-75.

  11. Amossy (Ruth), « Sociologie de la littérature », dans Dictionnaire du littéraire, sous la direction de Paul Aron, Denis Saint-Jacques et Alain Viala, Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 581.

  12. Expression utilisée par Alain Viala, op. cit., pp. 70-71.

  13. Si ce survol des formes de médiation ne saurait constituer un programme de recherche, la réflexion sur les déterminations, interactions et transformations qui l'a générée est partiellement liée à un projet spécifique. Celui-ci, mené dans le cadre d'une subvention CRSH, vise à reconstituer le vaste corpus de romans de la vie littéraire qui de 1800 à 1940, en France, montrent l'écrivain en interaction avec ses pairs et les divers médiateurs littéraires, ceci afin de voir comment, au moment même où elle s'impose comme espace social spécifique, la littérature se pense, par le biais du roman, comme lieu de socialisation, d'ancrage identitaire et de travail collectif.

  14. Tynianov (Iouri), « De l'évolution littéraire [1925-1927] », dans Théories de la littérature, sous la direction de Tzvetan Todorov, Paris, Seuil, coll. « Points », 2001, cité par Cros (Edmond), op. cit., p. 31.

  15. Il importe, cependant, de ne pas placer la théorie la tête à l'envers, en substituant à la recherche des régularités et reprises une enquête essentiellement occupée à éclairer les écarts et brouillages.

  16. Labov (William), Sociolinguistic Patterns, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1972 ; Milroy (Lesley), Language and Social Network, Oxford, Blackwell, 1987.

  17. GREGES, « La médiation des formes. Programme de recherche », Actes de la recherche en science sociales, no 78, juin 1989, pp. 105-107.

  18. Viala (Alain), « L'Histoire des institutions littéraires », dans L'Histoire littéraire aujourd'hui, sous la direction d'Henri Béhar et Roger Fayolle, Paris, Armand Colin, 1990, pp. 111-121.

  19. Fait exception le courant issu des recherches de Donald F. McKenzie qui se donne l'ambition d'une « sociologie des textes » parce qu'elle cherche à rendre sa signification sociale à tous les aspects du livre : « In the pursuit of historical meanings, we move from the most minute feature of the material form of the book to questions of authorial, literary, and social context » McKenzie (Donald F.), Bibliography and the Sociology of Texts, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 23. Si cette proposition vise principalement les aspects matériels du livre et ce que ces matérialités nous disent des « intentions » des auteurs et des éditeurs, elle a le mérite de combattre l'adoption tranquille par les chercheurs des frontières disciplinaires.

  20. Heinich (Nathalie), Le triple jeu de l'art contemporain, Paris, Minuit, coll. « Paradoxe », 1998.

  21. Dubois (Jacques), L'institution de la littérature. Introduction à une sociologie, Bruxelles, Nathan, 1979.

  22. Bourdieu (Pierre), Les règles de l'art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992, p. 362.

  23. Belleau (André), op. cit., p. 128.

  24. Hamon (Philippe), Texte et idéologie, Paris, P.U.F., coll. « Quadrige », 1998.

  25. Anderson (Benedict), L'Imaginaire national : réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996.

  26. Herzfeld (Michael), L'intimité culturelle. Poétique sociale de l'État nation, Québec, Presses de l'Université Laval, coll. « Intercultures », 2007.

  27. Zima (Pierre V.), L'Ambivalence romanesque. Proust, Kafka, Musil, Berne, Peter Lang, 1988.

  28. L'article incontournable à cet égard est celui de Robin (Régine), « Pour une socio-poétique de l'imaginaire social », Discours social/Social Discourse, vol. V, n° 1-2, 1993, p. 7-32, qui ne propose toutefois aucune définition de l'imaginaire social.

  29. Suivant Popovic, l'imaginaire social est « un rêve éveillé » que « toute société entretient à ses propres égard et usage » ; il est « composé d'ensembles interactifs de représentations corrélées, organisées en fictions latentes, sans cesse recomposées par des propos, des textes, des chromos et des images, des discours ou des œuvres d'art ». Popovic (Pierre), Imaginaire social et folie littéraire. Le second Empire de Paulin Gagne, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, coll. « Socius », 2008, p. 23 et 24.

  30. Angenot (Marc) et Robin (Régine), « L'inscription du discours social dans le texte littéraire », Sociocriticism, n° 1, juillet 1985, p. 53.

  31. Mitterand (Henri), Zola, l'histoire et la fiction, Paris, Presses universitaires de France, 1990, p. 196.

  32. Dans une vaste bibliographie traitant de la question, on ne renverra qu'à la synthèse de Chartier (Roger), « Le monde comme représentation. Redéfinition de l'histoire culturelle », Annales ESC, n° 6, 1989, pp. 1505-1520.


Pour citer cet article :

Le GREMLIN, « Sociocritique, médiations et interdisciplinarité », dans Carrefours de la sociocritique, sous la direction d'Anthony Glinoer, site des ressources Socius, URL : http://ressources-socius.info/index.php/reeditions/24-reeditions-de-livres/carrefours-de-la-sociocritique/130, page consultée le 19 avril 2024.

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